Un spectacle historique et un feu d’artifices, tiré à minuit pile, ont marqué ce jeudi le début des commémorations du cinquantième anniversaire de l’indépendance de l'Algérie. Le lieu choisi : celui de l'arrivée des Français, en 1830.
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a donné le coup d’envoi des festivités du cinquantenaire de l’Indépendance, mercredi soir, lors d’un spectacle intitulé "Les Héros du Destin" retraçant l’histoire contemporaine du pays.
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Moussa travaille dans une boutique de la Casbah d’Alger où sont affichés les portraits de compatriotes tombés pendant la guerre d’Algérie : "Je suis triste de la situation en Algérie… Ce n’est pas le pays qu’espéraient ceux qui faisaient la fête le 5 juillet 1962."
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Mohammed se remémore son rôle d’agent de liaison dans la Casbah d’Alger. Il montre l’impact d’une balle de 9mm qui l’a blessé au bras lors d’une fusillade, un mois à peine avant la proclamation d’indépendance du pays. (crédit photo : Mehdi Chebil / FRANCE 24)
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Nessima, actrice et chanteuse : "Je me sens comme une véritable 'moudjahida' quand je joue les révolutionnaires algériennes (…) En France, je me dis parfois que certains spectateurs dans la salle ont peut-être tué des membres de ma famille." (photo : Mehdi Chebil)
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Zouina, 74 ans, ancienne combattante : "J’ai sacrifié beaucoup de choses pour l’Algérie… Mais par rapport aux martyrs, j’ai rien donné. Même 50 ans après l’indépendance, ma région d’origine (la Kabylie) reste le symbole du sacrifice." (photo: Malika Kerkoud)
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Saadi, 31 ans et Abdelkarim, 23 ans: "Notre souci principal, ici à Bab-el-Oued, c’est le chômage et les problèmes de formation. C’est pourquoi nous allons lancer notre association ‘La Voix des Jeunes’ pour demander des moyens à la wilaya à l’occasion du cinquantenaire."
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Sabrina Zouaoui, juriste de 30 ans, militante des Droits de l’homme : "L’indépendance a été confisquée. Nos martyrs ont lutté pour une Algérie libre et démocratique et ce sont les mêmes qui gouvernent depuis 1962. Maintenant il faut surtout remobiliser les jeunes."
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Yvette Henriotte, Française née à Alger, a décidé de rester après l’indépendance : "La plupart de mes voisins européens sont partis dès décembre 1960. Il était hors de question pour moi de partir… l’Algérie, c’est mon pays !" (crédit photo : Mehdi Chebil / FRANCE 24)
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Dalila, 66 ans : "Je me suis mariée en 1962, mais de mes 14 enfants, 7 sont morts en bas âge. Cinquante ans après, l’essentiel pour moi, c’est que mes enfants soient en bonne santé, même si plusieurs n’ont ni travail, ni logement." (photo : Mehdi Chebil / FRANCE 24)
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Slimane Chenine, directeur du centre de recherche El Raed : "Depuis l’indépendance, l’Algérie manque d’un projet national pour instaurer un système démocratique. On a vu en 1990 – 1991 que les islamistes sans les laïcs ne peuvent pas faire bouger la société."
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Ahmed, chauffeur de taxi : "Pourquoi mentionne-t-on la France à chaque fois qu’on parle des difficultés de l’Algérie ?! On oublie les choses positives que les Français ont apportées. Les Turcs sont restés ici quatre siècles et demi et ils n’ont rien laissé du tout."
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Félix, ancien combattant algérien d’origine italienne : "J’ai grandi à Alger dans une famille raciste, mais je me suis toujours senti Algérien avant tout. J’ai été emprisonné et transféré en France. Après l’indépendance, il était évident que je rentrerais en Algérie."
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Ahmed, 28 ans, a grandi dans une maison historique de la Casbah avec ses dix frères : "Pendant la guerre, les Algériens étaient tous soudés et unis vers un seul but. Aujourd’hui, du fait des difficultés économiques, c’est chacun pour soi." (crédit photo : Mehdi Chebil)
Le lieu choisi par les autorités algériennes est hautement symbolique : les arènes du Casif se situent dans la baie de Sidi Fredj, où les Français débarquèrent le 5 juillet 1830. Il faudra 132 longues années, dont sept de guerre ouverte (1954-1962), aux Algériens pour recouvrer leur souveraineté.
Le spectacle, de presque deux heures, a été salué comme une réussite par la majorité du public, composé d’une bonne moitié de diplomates étrangers, d’officiels et d’invités triés sur le volet. De nombreux jeunes algérois, relégués dans les parties supérieures de l’enceinte du Casif, ont également apprécié la représentation.
Mémoire sélective
"On n’avait jamais vu un spectacle comme ça ! Les Algériens n’ont pas l’habitude de réaliser un aussi bon travail", affirme Sofiane, un jeune homme d’une vingtaine d’années qui est parvenu à s’infiltrer dans les arènes grâce à un agent de sécurité complice.
Conçu comme un divertissement grand public, le spectacle met implicitement en exergue certains tiraillements de l’identité algérienne après cinquante ans d’indépendance. Après une première partie consensuelle glorifiant la lutte contre l’occupant français, le spectacle insiste lourdement sur le rôle de l’institution militaire algérienne. Quant aux émeutes de 1988, souvent présentées comme le "printemps arabe" du pays, elles ne sont pas évoquées dans cette fresque historique à la mémoire sélective.
Les commémorations continuent ce jeudi avec notamment un grand rassemblement au stade du 5 juillet, à Alger, prévu pour 20 heures.
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Le spectacle "Les héros du destin" a rassemblé des centaines d’artistes pour faire revivre les acteurs de l’indépendance algérienne. Photo : Mehdi Chebil
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Abdelaziz Bouteflika aux premières loges. Visiblement fatigué, le président algérien est resté quasi immobile pendant toute la représentation. Photo : Mehdi Chebil
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L’arrivée des Français à Sidi Fredj, le 5 juillet 1830, marque le début de la période coloniale de l’Algérie. Photo : Mehdi Chebil
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Des acteurs jouant des paras français à l’air patibulaire étaient postés tout autour de la scène du Casif. Photo : Mehdi Chebil
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Le spectacle représente les Français comme des occupants violents, n’hésitant pas à réprimer dans le sang toute velléité de révolte. Photo : Mehdi Chebil
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Des écrans géants derrière la scène diffusent des vidéos ou des reproductions des journaux de l’époque, afin de renforcer le réalisme du spectacle. Photo : Mehdi Chebil
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Des acteurs rejouent les scènes de liesse qui ont accompagné l’Indépendance, mettant en scène des femmes qui jettent des fleurs au passage des soldats de l’Armée de libération nationale. Photo : Mehdi Chebil
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Des figurants habillés à la mode berbère célèbrent le départ des Français – un moyen pour Alger d’insister sur l’union nationale de tous les "indigènes" algériens contre l’occupant. Photo : Mehdi Chebil
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Le deuxième président de la République algérienne, Houari Boumediene, est représenté en train de donner des terres ou des logements à des citoyens aux revenus modestes. Chaque ancien président algérien a ainsi un chapitre qui lui est consacré. Photo : Mehdi Chebil
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La "décennie noire" de guerre civile des années 1990 est représentée par des figures fantomatiques prenant place dans un café déserté par ses clients. Photo : Mehdi Chebil
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Le président Bouteflika apparaît en grande forme sur les écrans géants installés derrière la scène. Le chapitre consacré à l’actuel chef de l'Etat est nettement plus long que ceux dédiés à ses prédécesseurs. Photo : Mehdi Chebil
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Un cavalier de la garde républicaine en pleine manœuvre dans les arènes du Casif. Photo : Mehdi Chebil
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C’est l’armée algérienne qui clôt la série de présentations dédiées aux ex-présidents. Une manière implicite de rappeler le caractère tout-puissant de l’institution militaire en Algérie. Photo : Mehdi Chebil
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Le président Bouteflika rejoint les acteurs à la fin de la représentation. Photo : Mehdi Chebil
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A minuit pile, un feu d’artifices a été tiré à Sidi Fredj afin de commémorer le cinquantième anniversaire de l’Indépendance. Photo : Mehdi Chebil